Du faux cil au faux-pas…
Cet
été, en tant que reporter de l’extrême et néanmoins jeune femme soucieuse de
son apparence, j’ai mis mon corps en péril pour tester les faux cils (oui, bah
vous allez voir après, c’était pas un long fleuve tranquille cette histoire). À
moi les cils magnifiquement longs et recourbés! me disais-je. À moi les yeux de
biches du matin jusqu’au soir ! Finie la corvée de mascara ! Finies
les traces sous les yeux après un bain de mer ! Et malgré cet alléchant
programme, adieu veau, vache, cochon, couvée, cette aventure s’est terminée
ainsi : fini les faux cils.
Pour
commencer, histoire de vous mettre dans l’ambiance, il faut que je vous raconte
la pose en elle-même des faux cils. Rien que ça, ça aurait valu un billet en
entier. Au travail, une collègue m’avait donné l’adresse de
« quelqu’un » qui posait des faux cils pour 20 euros (au bl..ck
quoi…). Certes, c’était largement le prix d’un super mascara mais bon, ça
devait tenir 1 mois et surtout, nous éviter LE choix cornélien de l’été :
baignade ou mascara ? Avec une collègue (une autre), on se voyait déjà
battre de nos longs cils sur la plage, sans horrible coulure ou, devrais-je
plutôt dire, sans le souci des horribles coulures. Le fait est qu’on s’y voyait
bien, et que finalement, notre rêve valait bien 20 euros.
À
la prise du rendez-vous, un doute s’éveille en moi. J’ai un monsieur au
téléphone, qui ne comprend rien à ce que je lui dis, et dont je ne comprends
pas un mot. Pour tout vous dire, j’ai l’impression de passer commande dans un
restaurant chinois. On finit par se comprendre, rendez-vous est pris, l’adresse
est notée. Nous voilà donc parties, excitées comme des puces pour pousser plus
loin nos investigations esthétiques. Le jour J, à l’adresse indiquée, point
d’institut mais un pavillon de banlieue. La porte du garage est entre ouverte,
nous passons la tête. Un monde parallèle se dévoile : le garage est
complètement réaménagé en salon de beauté : il y a 3 ou 4
« stands » pour les ongles, avec lampes à UV et salle d’attente… Ce
n’est pas du tout le petit bouiboui aménagé pour arrondir les fins de mois,
c’est carrément un vrai commerce ! 3 femmes se font faire une manucure (50
euros chacune pour des faux ongles) et nous sommes 2 à 20 euros pour des faux
cils. C’est manifestement lucratif.
Notre
tour arrive, je me lance la première. Le type déplie simplement une chaise de
camping, me colle une lampe de bureau au-dessus de la tête et décolle les faux
cils de leur boite hermétique pour les mettre sur sa main. À ce moment précis,
j’essaie d’oublier qu’il y a certainement des principes d’hygiène (se laver les
mains entre deux clientes…) qui seraient appliqués dans un vrai salon. Quand le
monsieur commence à m’appliquer les faux cils et que la colle me brûle les
yeux, j’essaie également de ne pas penser aux émissions de Jean-Luc Delarue
(« Aujourd’hui nous recevons Bellgarath qui a perdu la vue après s’être
fait poser des faux cils » ça sonne bien non ?) Bref, le type me tend
un éventail chinois pour faire passer la brûlure. Il pose les cils qui sont
pré-collés par minis paquets de 2 ou 3. Apparemment, l’effet est concluant car
la fille qui se fait poser des ongles veut maintenant se faire poser des faux
cils.
D’un
coup, au travers de la porte toujours entre ouverte, j’entends passer une
voiture et j’imagine le pire : une descente de flics dans le repère du
faux ongle. Pour un peu, j’entendrais presque les claquements de portières, les
pas précipités et l’entrée en force dans le garage avec un des policiers qui
dirait quelque chose du style : « personne ne bouge, on embarque tout
le monde et tout le matériel » TOUT LE MONDE ??? nan mais moi j’ai
rien fait, à part me faire brûler les paupières par un asiatique qui ne se lave
pas les mains…
Le
temps de trouver que dire à ces policiers, le monsieur a fini de poser mes
nouveaux cils. Je regarde dans la glace (qui est sale) : on dirait que je
suis prête à tourner dans une pub pour du mascara (sic). C’est long, recourbé,
bien dense en couleur et on dirait même que j’ai mis de l’eye liner… par contre
quand je ferme les paupières, j’ai l’impression d’avoir du sable dans les yeux.
On fait plus agréable, mais que voulez-vous, on est un reporter de l’extrême ou
on ne l’est pas… Sur ma collègue et amie, ça rend super mais ça la gratte
aussi. Le monsieur nous donne ses recommandations : si c’est mouillé, il
ne faut pas frotter. On repart donc, toutes contentes, avec 1 mois de
tranquillité collé sur les paupières. On dirait qu’on va en boîte de nuit
tellement nos cils sont beaux.
Après
ce moment d’euphorie, les choses se sont gâtées (les policiers ne sont pas
venus nous chercher, mais c’était pas mal non plus). Le lendemain au réveil, je
n’avais qu’une envie, me frotter les yeux. Évidemment, c’était impensable (mais
quand même, ça gratte, ça pique, ça gêne). A peine levée et j’étais déjà prête
à aller en boîte de nuit. À 10h du matin, ça fait un peu bizarre. Quand le
facteur a sonné pour un recommandé, j’ai ouvert, avec mes cils et mon pyjama.
Regard étonné, battement de cils, signature. Le lendemain, on décollait pour la
Corse, ses plages, sa mer transparente (bientôt, un autre reportage de
l’extrême, et cette fois, il y aura vraiment des émotions fortes). Sur la
plage, j’étais soulagée de ne pas avoir à m’inquiéter des coulures. Par contre,
quand l’eau salée me rentre dans les yeux et qu’il faut réprimer son envie de
frotter, ça ressemble à un supplice. Et il faut avouer que je me sens un peu
décalée avec mes cils du samedi soir. Je ne sais pas s’il m’a été plus
difficile de m’habituer à l’impression d’avoir des cailloux sous les paupières
ou à mon reflet dans la glace.
Un
beau jour, en plein milieu des vacances, un petit paquet de cils se fait la
malle, tout seul, sans avoir demandé son avis à personne. En plus, il est
évidemment en plein milieu. Je suis une édentée des cils. J’ai les cils du
bonheur (hum…). Que c’est beau ces longs cils, bien recourbés… avec un trou au
milieu… Ces faux cils commencent à me gonfler pour de vrai et le fait que je
m’y sois habituée est remise en cause. Surtout que la reprise du boulot
approche, que d’ici là, d’autres cils seront partis et qu’il est hors de
question que j’arrive avec un œil à moitié et l’autre en vrac. Pour tous les
petits malins qui se disent « mais pourquoi elle met pas du mascara dans
le trou pour camoufler », et bien sachez, chers petits malins, que je l’ai
fait, mais que les pubs pour les mascaras sont honteusement mensongères. Même
en mettant 3 couches, on voyait la différence, on voyait le trou, et c’était
moche. Surtout quand d’autres paquets de cils se sont effectivement mis aussi à
tomber. Il allait falloir passer à l’action, les enlever.
Les
paroles du poseur de cils chinois me reviennent en mémoire « si
mouillé, pas frotter ». Je prends donc un coton que j’imbibe généreusement
puis je frotte. Ça fait un mal de chien, ça tire sur les cils (les vrais)… et
ça ne part pas !!! Au bout d’un moment, j’envisage toutes les solutions :
ciseaux, dissolvant… Je commence par du démaquillant, rien à faire. Aux
grands maux les grands moyens : avec un coton-tige et du dissolvant,
j’arrive à enlever quelques paquets, je me brûle l’œil, je sens l’eczéma qui
pousse, mais ça part. Un peu. C’est déjà ça. Je finis par « casser »
la colle des cils avec mes ongles en l’écrasant dans tous les sens. Évidemment,
ça tire, ça pique, ça fait mal. Tout ce que vous voulez tant que je me
débarrasse de cette horreur avant demain (reprise du boulot). Le plus gros est
enfin parti, je coupe le reste avec des petits ciseaux. Oui oui, vous lisez
bien : je me suis coupé des cils !
La
veille au soir de ma reprise, j’ai enlevé le dernier paquet de résistants. Je
me suis empressé de me frotter les yeux. À ce moment, j’aurai pu signer un
papier disant que je ne mettrai plus jamais quelque chose sur les cils, même
pas du mascara.
Les
faux cils, c’est peut-être à tenter en institut, et encore, je ne retenterai
pas l’expérience de si tôt. Trop de douleurs pour un résultat bien, mais trop
(quand vous vous levez avec les cils du samedi soir et la tête du dimanche
matin, ça fait vraiment bizarre) Ma morale ? Finalement, j’ai dû souffrir
pour être moi-même…